
La prééclampsie est une complication grave de la grossesse. Elle nécessite une prise en charge immédiate. Explications.
Prééclampsie : de quoi parle-t-on ?
La prééclampsie, appelée autrefois toxémie gravidique, est une complication de la grossesse considérée comme une pathologie. Elle est provoquée par un dysfonctionnement du placenta et confirmée en présence de deux éléments associés :
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Une hypertension artérielle (HTA) dite gravidique, ou gestationnelle ;
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Une concentration anormalement élevée de protéines dans les urines, alors qu’elles ne sont pas censées en contenir : on parle de protéinurie.
La prééclampsie concerne 5% des grossesses, d’après l’Inserm. Mais rassurez-vous : dans la plupart des cas, les femmes touchées accouchent d’un bébé en bonne santé.
Une prééclampsie sévère en présence de certains éléments
La prééclampsie est de forme sévère dans 1 cas sur 10. Elle est considérée comme telle en présence de l’un de ces éléments :
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Une hypertension artérielle sévère ou non contrôlée par un traitement : la pression systolique est égale ou supérieure à 160 mmHg et/ou la pression diastolique est égale ou supérieure à 110 mmHg.
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Une altération de la fonction rénale qui peut se traduire par : le taux de protéinurie (taux de protéines dans les urines) est supérieur à 3g par 24 heures ; le volume des urines diminue ou la créatinine sanguine (produit de dégradation présent dans les cellules musculaires, normalement filtré par les reins et éliminé par les urines) augmente.
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Une augmentation des enzymes hépatiques (fabriquées par le foie) dans le sang ;
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Une réduction des plaquettes sanguines ;
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Une douleur abdominale « en barre » (épigastrique) intense et persistante.
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Des symptômes cardio-respiratoires : douleur thoracique, essoufflement, œdème pulmonaire aigu.
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Des maux de tête sévères qui ne sont pas soulagés par le traitement et qui s’accompagnent de troubles visuels ou auditifs.
Quelles sont les causes de la prééclampsie ?
L’élément déclencheur de la prééclampsie, ou toxémie gravidique, est un dysfonctionnement du placenta (l’organe qui assure les échanges entre la mère et le fœtus et la sécrétion des hormones de grossesse). En cas de prééclampsie, son développement s’est anormalement effectué et il fonctionne mal, en raison notamment d’une mauvaise vascularisation . Autrement dit, l’ensemble des vaisseaux sanguins permettant d’irriguer le placenta ne jouent pas pleinement leur rôle.
La prééclampsie se déclare le plus souvent pendant le 2e trimestre de grossesse et après la 20e semaine d’aménorrhée. Cela s’explique par le fait que le flux sanguin augmente considérablement durant cette période, afin de favoriser la croissance du fœtus.
Toute femme enceinte peut souffrir de prééclampsie. Mais la présence de certains facteurs augmente le risque :
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Première grossesse ;
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Grossesse multiple ;
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Parcours de PMA (procréation médicalement assistée) avec don de sperme ou d’ovocyte ;
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Changement de partenaire sexuel entre la grossesse précédente et la grossesse en cours.
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Antécédent de prééclampsie ;
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Si l’une des femmes de sa lignée a souffert de prééclampsie ;
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Si la future mère est âgée de moins de 18 ans ou de plus de 40 ans ;
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En présence d’obésité avec un IMC (indice de masse corporelle) supérieur à 30 ;
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Si la future mère est d’origine africaine ou antillaise ;
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En présence d’HTA chronique, d’une maladie rénale chronique, de diabète, d’une pathologie cardiovasculaire ou d’une maladie auto-immune.
Les symptômes de la prééclampsie
Le premier symptôme est l’hypertension artérielle, en particulier si elle est supérieure à 140 mmHg et/ou 90 mmHg après la 20e semaine d’aménorrhée. Elle doit être mesurée deux fois. L’HTA est associée à une protéinurie avec une concentration de protéines dans les urines supérieure à 0,3 g/24 h.
D’autres symptômes sont possibles :
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Une prise de poids trop rapide (en quelques jours) ;
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Des saignements vaginaux ;
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Des maux de tête ;
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Des troubles de la vision : sensibilité anormale à la lumière, taches ou zones brillantes devant les yeux, vision trouble ou double ;
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Des acouphènes ;
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Des douleurs abdominales ;
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Des nausées ou des vomissements ;
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Une diminution de la quantité des urines ;
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Des œdèmes concernant notamment le visage.
Prééclampsie : quelles complications ?
En l’absence de prise en charge rapide ou de traitement, la prééclampsie peut avoir des conséquences lourdes sur la santé de la mère, mais aussi sur celle de son bébé.
Les complications chez la mère
Diverses complications peuvent se produire, si la pathologie n’est pas traitée rapidement :
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La prééclampsie peut laisser la place à l’éclampsie : une crise de convulsions qui touche le cerveau maternel. Ce phénomène apparaît en fin de grossesse et/ou après l’accouchement. Heureusement, cette complication est rare car la grande majorité des prééclampsies sont prises en charge à temps. L’hématome rétroplacentaire, un hématome situé au niveau de la zone de fixation du placenta et de la paroi interne de l’utérus. Cette situation peut provoquer le décollement du placenta, supprimant ainsi (plus ou moins, en fonction du degré de décollement) les échanges nécessaires entre la mère et son bébé. L’hématome rétroplacentaire se reconnaît par : des douleurs brutales au ventre, des pertes de sang noirâtres, des contractions utérines et un rythme cardiaque fœtal anormal. Cette complication nécessite un accouchement par césarienne en urgence, quel que soit le terme de la grossesse car la vie de la mère et de son enfant est en jeu.
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Le syndrome Hellp (hémolyse, cytolyse hépatique, thrombopénie traduit de l’anglais Hemolysis, Elevated Liver enzymes, Low Platelet count) qui associe : une destruction des globules rouges dans le foie, l’augmentation des enzymes hépatiques et la baisse des plaquettes sanguines, entraînant une augmentation du risque d’hémorragie. Ce syndrome peut provoquer un hématome autour du foie, faisant alors ressentir des douleurs à l’abdomen, sous les côtes droites. Cette complication est rare et survient le plus souvent en fin de grossesse ou 24 heures après l’accouchement.
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Une hémorragie cérébrale maternelle, bien que cette complication soit plus rare encore.
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De l’insuffisance rénale aiguë peut parfois être observée.
Prééclampsie : quelles conséquences pour le bébé ?
La prééclampsie peut aussi avoir plusieurs conséquences sur la santé du fœtus :
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Un retard de croissance intra-utérin présent dans 7 à 20% des grossesses subissant une HTA, d’après l’Assurance maladie. Ce retard concerne généralement le périmètre de l’abdomen du bébé et peut être révélé par contrôle échographique à effectuer tous les 15 jours. En cas de retard de croissance sévère, un accouchement avant le terme peut être programmé.
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La prématurité : elle est généralement la conséquence d’un accouchement provoqué plus tôt que prévu, en cas d’apparition d’une complication. La prééclampsie est d’ailleurs responsable d’un tiers des naissances de grands prématurés en France, selon l’Inserm.
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Le décès du fœtus in-utero : une complication heureusement rare car évitée à tout prix.
Votre prise en charge médicale en cas de prééclampsie
Le plus souvent, la prééclampsie est diagnostiquée alors qu’elle n’a pas encore donné lieu à des symptômes.
Le diagnostic au cours du suivi de grossesse
En tant que femme enceinte, vous êtes normalement suivie chaque mois par votre sage-femme, votre gynécologue ou votre médecin traitant. Ces professionnels de santé mesurent votre tension lors de chaque consultation et vérifient vos résultats d’analyse de sang et d’urine, également effectuées chaque mois. C’est dans ce contexte que la prééclampsie est le plus souvent découverte.
Une hospitalisation indispensable
Lorsque le diagnostic est posé, la future maman est rapidement hospitalisée dans une maternité dotée d’un équipement permettant sa prise en charge, ainsi que celle de son enfant. Et ce, afin d’établir un bilan fœto-maternel : l’évaluation de la sévérité de la prééclampsie et de la vitalité du fœtus. Mais aussi pour la traiter au plus vite. La patiente est ainsi surveillée et soignée jusqu’à son accouchement.
L’objectif de cette prise en charge est de prolonger la grossesse le plus longtemps possible, afin que le fœtus puisse continuer à se développer in utero, sans conséquences sur sa santé ni celle de sa mère. L’accouchement peut être provoqué à un terme qui varie selon la gravité et la viabilité du fœtus.
Prééclampsie : quels médicaments ?
Plusieurs médicaments doivent être administrés, dont un incontournable : un traitement antihypertenseur par voie intra-veineuse, puis par voie orale si possible. Ce médicament aide à mieux contrôler l’hypertension artérielle gravidique.
En cas de prééclampsie sévère, d’autres médicaments peuvent être prescrits :
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Des corticoïdes injectables pour accélérer la maturation du fœtus, si la prééclampsie survient avant la 34e semaine d’aménorrhée.
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Du sulfate de magnésium par voie intraveineuse en cas de symptômes pouvant laisser penser à une éclampsie, ainsi qu’en cas d’accouchement devant être déclenché avant la 33e semaine d’aménorrhée.
Cas particulier : un traitement préventif par aspirine à faible dose peut être prescrit aux patientes avec un antécédent de prééclampsie. Il doit être démarré avant la 20e semaine d’aménorrhée et se poursuivre jusqu’à la 35e semaine.
Prééclampsie : quel suivi après l’accouchement ?
La prééclampsie peut toujours survenir après la naissance du bébé : immédiatement ou jusqu’à 6 semaines après. C’est pourquoi un suivi régulier de la mère, comprenant des contrôles médicaux, doit toujours être effectué :
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L’HTA est prise en charge, avec la prescription d’un traitement antihypertenseur tant que l’hypertension perdure.
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La contraception prescrite est décidée en fonction de l’état de santé de la mère : une contraception non hormonale est proposée en première intention. En effet, la contraception hormonale oestroprogestative est déconseillée jusqu’à 6 semaines après l’accouchement, en raison des effets secondaires qu’elle peut provoquer dans ce contexte. Par la suite, si la tension artérielle se stabilise, une contraception progestative peut être envisagée.
Une prééclampsie se surveille à long terme, car elle peut entraîner même des années après, l’apparition de :
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Une HTA chronique qui peut apparaître à partir de 6 mois après l’accouchement ;
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Des facteurs de risque cardiovasculaires ;
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Une récidive de prééclampsie lors d’une prochaine grossesse.
Voici pourquoi le suivi médical mis en place consiste à surveiller régulièrement la tension artérielle et la présence de protéines dans les urines, mais aussi à adapter le traitement antihypertenseur lorsque nécessaire et surveiller les facteurs de risque cardio-vasculaire. En cas de projet d’une nouvelle grossesse, une consultation préconceptionnelle avec un gynécologue est nécessaire.