Insuffisance cardiaque : la télésurveillance pour « rendre les patients acteurs de leur prise en charge »

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Face à l’insuffisance cardiaque, la télésurveillance permet une coopération inédite entre le patient, l’équipe infirmière et son cardiologue. Et permet d’éviter certaines complications graves. Explications avec le Docteur Jean-Félix Verrier, chirurgien cardio-thoracique et vasculaire et Directeur en charge des Bonnes Pratiques du groupe Ramsay Santé.

 

Télésurveillance et insuffisance cardiaque : comment ça marche ?

Avant de bénéficier de la télésurveillance, un malade atteint d’insuffisance cardiaque doit répondre à certains critères. Sa collaboration avec son cardiologue référent et l’équipe infirmière peut ensuite commencer. Elle repose sur différents outils numériques de suivi médical et de communication.

 

Télésurveillance et insuffisance cardiaque : qui est concerné ?

Pour bénéficier de la télésurveillance :

  • L’insuffisance cardiaque doit être confirmée et un traitement adapté doit déjà être prescrit.
  • Le patient doit éprouver une gêne respiratoire.
  • Le dosage de la protéine BNP ou de son précurseur le NT-pro BNP (sécrétés par les cellules musculaires du cœur) doit confirmer sa pathologie.
  • Le patient ne doit pas être atteint de troubles cognitifs et peut maîtriser les outils mis à sa disposition.

 

L’inclusion du patient peut se faire par le cardiologue de ville, le cardiologue hospitalier, ou par l’équipe hospitalière.

 

Comment se déroule la télésurveillance pour les patients en insuffisance cardiaque ?

A l’issue d’une éducation thérapeutique à raison de trois séances réalisées par une infirmière spécialisée, et d’une formation aux outils à utiliser au quotidien, le patient est équipé à son domicile d’un tensiomètre et d’une balance connectés. Il reçoit également une tablette tactile, sauf s’il est en capacité de télécharger l’application de télésurveillance sur son smartphone.

 

Ces supports permettent au patient d’accéder à un questionnaire auquel il répond à chaque mesure, soit quotidiennement. Cette routine facilite l’adhésion du patient au dispositif.  Toutes ces informations (son poids, sa tension artérielle, ses réponses au questionnaire) sont automatiquement enregistrées et transmises à la plateforme. En cas de détection d’une dérive qui illustrerait une décompensation, le cardiologue et/ou le médecin traitant ainsi que l’équipe soignante en charge de son suivi, sont avertis par un système d’alertes et déclenchent alors les mesures appropriées.

 

Notez que le suivi avec le cardiologue (de ville ou hospitalier) demeure. Il a lieu habituellement tous les 6 mois, voire davantage, en fonction de l’état de santé du patient.

 

Télésurveillance des patients en insuffisance cardiaque : un dispositif national

Si les premières expérimentations ont débuté en 2015, le dispositif de télésurveillance dédié aux patients insuffisants cardiaques est aujourd’hui accessible à l’échelle nationale et prise en charge par la Sécurité sociale. Depuis 2021, la télésurveillance est officiellement recommandée par l’ESC, l’European Society of Cardiology.

 

 

Télésurveillance des patients en insuffisance cardiaque : des bienfaits multiples

« Le premier des avantages de la télésurveillance est d’anticiper et éviter la dégradation de l’état des patients au cours de leur suivi », rappelle le Docteur Jean-Félix Verrier.

 

Cette dégradation peut prendre plusieurs formes :

  • Augmentation de la gêne respiratoire
  • Gonflement des chevilles, des jambes et de l’abdomen
  • Prise de poids rapide et inexpliquée
  • Palpitations
  • Douleurs au flanc droit
  • Ou encore fatigue, confusion et chutes chez le sujet âgé

 

Grâce à la télésurveillance, ces risques sont détectés dès les premiers signes d’alerte, évitant aux patients de passer par la case urgences ou d’être hospitalisés pour une décompensation de leur maladie. « Le suivi habituel de l’insuffisance cardiaque ne permet pas d’anticiper les épisodes d’aggravation au domicile du patient et il est malheureusement fréquent qu’un patient n’aille pas consulter rapidement son cardiologue et/ou son médecin traitant, alors que son état se dégrade. La télésurveillance permet justement d’éviter ce genre de situation », précise le chirurgien cardio-thoracique et vasculaire.

 

D’un point de vue psychologique aussi, l’état des patients s’améliore. « Ils sont formés à leur pathologie, à l’importance de son suivi et à la manière dont ils peuvent eux-mêmes le réaliser, explique le Dr Verrier. Cela les rend plus autonomes et motive leur engagement dans leur prise en charge, en collaboration avec les professionnels de santé. Ils se sentent ainsi beaucoup plus impliqués dans leur suivi, ce qui les rassure, en leur évitant isolement et anxiété. C’est tout un cercle vertueux qui se met en place ».

 

 

Télésurveillance des patients en insuffisance cardiaque : l’humain d’abord !

Sur plus de 4000 patients concernés par ce dispositif, plus de 80 % se déclarent satisfaits de leur télésurveillance. « Leur observance du protocole est de très bonne qualité. La plupart d’entre eux affirment que cela entraîne une amélioration de leur état et de la relation avec leur praticien. »

 

Pour le chirurgien cardio-thoracique et vasculaire, l’aspect humain est essentiel au bon fonctionnement de cette télémédecine : « L’objectif n’est pas d’être sur du tout-numérique, mais bien de rendre ces outils complémentaires de l’humain. Le professionnel de santé reste en contact avec le patient, qui peut appeler en cas de besoin. Ces outils sont au service de la prise en charge, et non l’inverse. Ils permettent d’éclairer et de mieux comprendre l’évolution de l’insuffisance cardiaque au domicile du patient. »

 

Télésurveillance et insuffisance cardiaque : et après ?

De nombreux projets sont aujourd’hui à l’étude ou en cours de réflexion pour enrichir le dispositif de télésurveillance. A commencer par le développement du questionnaire, à l’aide de questions plus précises et personnalisées, portant notamment sur la réalisation des tâches quotidiennes ou la bonne prise des médicaments.

 

Autre piste à l’étude, le calcul du nombre de pas effectués chaque jour, à l’aide d’un bracelet connecté ou par l’intermédiaire de l’application utilisée par le patient. « À partir de cette information, il serait possible d’évaluer le degré d’activité qui peut, en cas de déclin, être le signe d’un début de décompensation cardiaque », illustre le Docteur Jean-Félix Verrier. « De plus en plus de données métriques pourront être enregistrées par le biais de ces outils numériques, dans le but d’améliorer la gestion de la santé des patients qui nous font confiance. »